C’était sur les rives du Jourdain, nous disent les évangiles ; près de Jéricho, là où le Jourdain se jette dans la mer Morte, nous dit la tradition. Un événement dont nous faisons mémoire chaque année au mois de Janvier.
Un événement dont l’importance nous échappe parfois, car nous l’avons réduit à la mesure d’une édifiante historiette pour enfant, éliminant ainsi sa signification profonde. Oui, nous retenons surtout la manifestation d’humilité de Jésus ; nous y ajoutons, pour la beauté de l’histoire, l’image d’une colombe, et la spectaculaire manifestation d’une voix venue du ciel. Tout ceci ne serait qu’un simple prélude, au demeurant de belle facture, à la mission terrestre du Fils de Dieu.
Essayons toutefois d’aller beaucoup plus loin… Les indices de la signification majeure du texte évangélique ne manquent pas. D’abord le lieu géographique où se déroule la scène rapportée par les évangélistes : le lieu le plus profond de la surface de la Terre, à 400 mètres en-dessous du niveau de la mer,au coeur de cet effondrement sismique qui a donné naissance à la mer Morte. Autre indice, plus significatif encore, la plongée du Christ dans les eaux. Dans la Bible, dans l’Ancien Testament surtout, l’eau est une réalité très ambigüe. Elle est certes source de vie : retenons tous les textes qui nous parlent de la soif de l’homme et de l’eau vive qui l’apaise. Mais d’autres textes nous la présentent comme le lieu de tous les risques, de toutes les angoisses, le lieu de résidence des monstres, et, pour tout dire, le lieu de la mort ; à commencer par l’eau du déluge et celle du passage de la mer Rouge.
En son baptême, Jésus rejoint tous les abîmes de notre humanité. Et
c’est au plus profond de notre nature blessée, moralement et physiquement, qu’il se plonge. Il vient au cœur de nos angoisses et de nos douleurs, et même de nos fautes. Il se plonge dans nos souffrances et dans nos peurs. Il vient, déjà, nous rejoindre dans notre mort, la faisant sienne, par avance. Mais lorsqu’il ressort de cette eau du Jourdain où il s’est plongé avec nous, c’est avec nous qu’il en ressort, vivant. De nos vies il a fait sa vie et nous pouvons dire avec St Paul :
« Ce n’est plus moi qui vis, c’est le Christ qui vit en moi ».
Nos peurs, nos échecs, nos diminutions, nos souffrances sont alors, en Christ, présentés au Père en sacrifice de louange. Ce ne sont plus les nôtres, ce sont ceux et celles du Fils de Dieu. Ce que nous n’avons pas la force et le courage d’offrir à Dieu, c’est le Christ qui s’en charge : c’est son offrande, celle de son humanité intégrale. Alors, avec l’aide de l’Esprit Saint, nous pouvons entendre, venue du tréfonds de notre être, cette incroyable parole que le Père nous adresse :
“ Tu es mon fils bien-aimé, tu es ma fille bien-aimée, tu as toute ma faveur ”. (cf évangile de Marc)
Alain, diacre du Diocèse de Paris