Le Pape Benoît XVI, dans une exhortation apostolique : “Sacramentum Caritatis” en 2007 écrivait : “L’eucharistie n’est pas seulement source et sommet de la vie de l’Eglise, elle est aussi source et sommet de sa mission…La tension missionnaire est donc constitutive de la forme eucharistique de l’existence chrétienne”. Il a rappelé que le culte eucharistique n’est pas un acte privé, une dévotion individuelle, mais il a exhorté à donner une cohérence eucharistique à tous les aspects de la vie personnelle et sociale.
Ce lien entre eucharistie et mission m’est apparu particulièrement signifiant dans une situation inattendue : missionnaire spiritain, après trente cinq ans au Sénégal, j’ai proposé mes services en 2009
pour aller en République islamique de Mauritanie, où L’Église n’était pas juridiquement reconnue, l’Islam étant la religion officielle de l’Etat et du peuple mauritanien, selon la Constitution.
A Kaedi, poste isolé à 430 km de Nouakchott, et à 300 km de mon confrère le plus proche, je me suis retrouvé, à 70 ans, avec deux communautés de Sœurs Franciscaines Missionnaires de Marie, mais sans aucun chrétien ! Les Sœurs n’avaient plus de prêtre résident depuis plusieurs années, sauf un passage de temps en temps. J’ai eu le temps de réfléchir, de méditer et de me poser des questions, sur la place des autres religions dans le dessein de salut, le rôle de la présence de L’Église dans une telle configuration, la forme de notre témoignage. Réflexion théologique et spirituelle, qui m’a amené à aller en quelque sorte de la périphérie vers le centre, à la source de tout : l’eucharistie, l’adoration, et bien sûr la prière confiante à la Vierge Marie, « Marie, mère de Jésus » étant respectée par les musulmans.
L’eucharistie ne peut se comprendre et trouver sa signification et sa fécondité que dans la vision d’ensemble du mystère du salut. La tradition patristique en Orient est très riche, et éclairante : la mission du Christ est comme une épiphanie, une irruption de la lumière divine dans l’œuvre de la création. On ne doit pas isoler le Verbe rédempteur du Verbe créateur, ni l’humanité rachetée de l’humanité créée. Le message évangélique, la semence de la Parole de Dieu, ne tombe pas dans des âmes totalement étrangères au Verbe de Dieu ; l’Esprit Saint est déjà agissant, avant l’intervention de L’Église. Le Christ, Verbe fait chair, appartient à tous les hommes et à tous les peuples ; il est partout chez lui, chez les siens.
C’est autour de l’eucharistie que L’Église doit sceller la nouvelle Alliance entre Dieu et les hommes ; c’est par l’eucharistie que L’Église s’implante dans un pays. Aussi la présence eucharistique est le premier don que L’Église fait au peuple qu’elle vient évangéliser.
Sa présence au monde est comme une liturgie où l’Alliance nouvelle est scellée par le sang du Sauveur. Après ces quelques années plutôt austères en Mauritanie, combien ai-je été ébloui en me retrouvant en 2016 dans la Basilique de Lourdes, lors des célébrations eucharistiques, avec des milliers de pèlerins de LCE et de nombreux concélébrants.
Père Patrick Hollande, religieux spiritain